Semaine nationale contre le cancer : État des lieux et soutien de la prévention – Interview avec le docteur Dr Jasjit S. Ahluwalia

Semaine nationale contre le cancer : État des lieux et soutien de la prévention – Interview avec le docteur Dr Jasjit S. Ahluwalia

Plongez au cœur d’un échange enrichissant avec le Dr Jasjit S. Ahluwalia, médecin et chercheur en santé publique à l’université Brown. Depuis plus de trois décennies, il se consacre à l’étude et à la lutte contre le tabagisme, en particulier sous sa forme la plus nocive : la cigarette combustible.

Spécialiste du sevrage tabagique auprès des populations vulnérables et des minorités ethniques, ainsi que des inégalités de santé, le Dr Ahluwalia combine une expertise clinique pointue à une approche scientifique rigoureuse. Son travail vise à mieux comprendre les stratégies de réduction des risques et à proposer des solutions adaptées pour accompagner les fumeurs vers des alternatives moins nocives.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Jasjit Ahluwalia, professeur à l’école de santé publique de l’université Brown et à l’école de médecine Warren Alpert. J’occupe également le poste de directeur adjoint de CADRE, un centre financé par les NIH dédié à la recherche sur la toxicomanie et les maladies chroniques.

Depuis plus de 30 ans, ma carrière est dédiée à l’étude de la dépendance à la nicotine et du sevrage tabagique, avec une attention particulière portée aux populations les plus exposées et aux minorités ethniques. Mes recherches s’appuient sur des méthodologies variées, allant des essais cliniques à l’épidémiologie clinique en passant par la recherche qualitative, afin d’optimiser les stratégies d’accompagnement à l’arrêt du tabac.

En parallèle, je m’investis dans l’étude des disparités en matière de santé et de l’impact du racisme sur les minorités, dans le but d’identifier et de combattre ces inégalités systémiques. Pour moi, la médecine est un équilibre entre la rigueur scientifique, l’expérience pratique et une approche pragmatique, essentielle pour répondre efficacement aux défis de santé publique.

Les jeunes générations semblent être moins attirées par les cigarettes traditionnelles, mais consomment de la nicotine sous d’autres formes. Comment voyez-vous l’évolution de la relation entre les jeunes, la nicotine et le tabac ?

La prévalence du tabagisme varie d’un pays à l’autre. Comme vous le savez, dans certains pays comme l’Espagne ou peut-être la France, la prévalence du tabagisme chez les moins de 18 ou 21 ans est encore à deux chiffres : 10 %, 15 %, 20 %.

Mais aux États-Unis, au cours des 20 dernières années, ce chiffre est passé de 18-20 % à… Je ne sais pas si vous allez me croire mais la prévalence du tabagisme chez les lycéens est de 1,7 %. Les jeunes ne fument plus de cigarettes aux États-Unis. Ce n’est plus perçu comme cool, peut-être qu’ils sont mieux informés des risques. Le tabac n’est plus aussi présent dans les médias, il est fortement taxé au niveau des États et du gouvernement fédéral. C’est cher de fumer. 

C’est aussi difficile de fumer à cause des interdictions de fumer en intérieur, qui sont de très bonnes mesures. C’est devenu un tabou, stigmatisé, et enfin, c’est un sujet controversé. Mais on doit bien admettre que l’augmentation de l’usage du vapotage a en partie contribué à la diminution du tabagisme. C’est controversé, mais il y a eu de très bonnes études, réalisées par d’autres chercheurs que moi, qui ont montré une forte corrélation.

Pourquoi les gens utilisent-ils la nicotine ?

Il y a un aspect hédoniste : certaines personnes apprécient simplement la nicotine. C’est comme moi avec le Diet Coke pendant 29 ans avant de passer au Coca-Cola Zero. Est-ce bon pour moi ? Non. Est-ce légèrement mauvais ? Oui.

Nous pratiquons tous la réduction des risques quotidiennement : ceinture de sécurité, casque à vélo, partager un dessert pour éviter de prendre du poids. Quand quelqu’un me dit ne pas croire en la réduction des risques, je peux rapidement démontrer qu’il pratique déjà 10 à 20 stratégies similaires.

La nicotine est pharmacologiquement très active. Elle est relativement sûre, mais pas pendant la grossesse ni avec des maladies cardiaques. Le débat sur son impact sur le développement du cerveau repose sur des preuves faibles chez l’humain, bien que plus solides chez les rongeurs.

Je prône un mode de vie sain, mais cela ne m’empêche pas de boire du Coca Zero. Mes enfants de 22 et 24 ans n’utilisent pas la nicotine, et je préfère qu’ils n’en consomment pas. Mais les jeunes expérimentent, c’est normal. En tant que parents, nous choisissons nos batailles.

Concernant les jeunes, nous avons un problème d’infrastructure en santé mentale mondial. Certains utilisent la nicotine pour traiter des troubles mentaux non diagnostiqués ou gérer l’anxiété. Le bon traitement serait plutôt un suivi psychologique, des antidépresseurs si nécessaire, du yoga ou du sport. Offrons-nous un environnement sain aux jeunes ? Les réseaux sociaux sont catastrophiques pour la santé mentale.

Pensez-vous que l’éducation et la sensibilisation à la réduction des risques du tabac sont suffisantes aujourd’hui, en particulier dans les communautés les plus touchées ?

Aux États-Unis, la sensibilisation aux dangers du tabac combustible est solide, mais les gens sous-estiment sa nocivité. Ils ne pourraient pas citer les 20 pathologies qu’il cause, comme les cataractes, l’impuissance ou le cancer de la vessie.

Mondialement, l’éducation sur la réduction des risques est catastrophique. L’information est déformée par les médias, les médecins et le gouvernement américain (moins au Royaume-Uni). Les CDC et la FDA diffusent des campagnes mensongères sur les risques du vapotage, montrant des publicités avec des pics métalliques dans les poumons ou des vers sur le visage.

Même si ces mensonges visaient à dissuader les jeunes, ce serait éthiquement inacceptable. Mentir au public est une grave erreur dont nous payons déjà le prix. La vérité devient dépassée, le mensonge devient la norme.

Un gouvernement démocratique ne devrait pas manipuler la vérité, mais aider les citoyens à être en meilleure santé, sans jugement moral, en réduisant les risques autant que possible.

À l’occasion de la Semaine nationale du cancer, quel message souhaitez-vous adresser aux professionnels de santé pour soutenir la prévention des cancers liés au tabagisme ?

Je pense que le message est très clair : ne laissez pas les gens commencer à fumer des cigarettes combustibles. Taxez fortement les cigarettes combustibles. Faites des campagnes de sensibilisation massives. Créez une culture où fumer devient inacceptable, socialement et localement.

Si une personne fume déjà, alors il faut l’aider à arrêter et lui poser la question à chaque visite médicale. Les médecins, les infirmiers, les pharmaciens, tout le monde doit être impliqué.

Il faut encourager les traitements de substitution :

  • les pastilles,
  • les gommes,
  • les patchs,
  • le Chantix,
  • le Bupropion,
  • ou n’importe quelle autre solution validée.

Mais aussi proposer un accompagnement, une aide psychologique, ou même une application mobile.

Et pour les patients qui ont tout essayé, mais qui n’y arrivent pas ou qui ne veulent pas arrêter, alors il faut leur donner d’autres alternatives. C’est essentiel.

Nous devrions fortement encourager l’utilisation de produits alternatifs sûrs, comme :

  • les sachets de nicotine,
  • les cigarettes électroniques modernes et bien régulées,
  • les produits de tabac chauffé bien contrôlés.

Mais attention ! Il ne faut pas acheter n’importe quel produit vendu illégalement, avec des noms bizarres, des liquides douteux et des doses délirantes. Les produits de qualité, fabriqués par des entreprises sérieuses et contrôlées, sont très sûrs.

/
Quel outil vous semble le plus efficace pour réduire le risque de cancer lié au tabac ?
Vérifier les réponses

Newsletter

Dernières actualités

Qui sont les consommateurs de sachets de nicotine en Union Européenne ?

Cette alternative qui pourrait bien vous aider à arrêter de fumer

Les alternatives au tabac : une solution pour réduire les inégalités de santé ?

SIGNEZ LA PÉTITION

Non à l’interdiction des sachets de nicotine !