Pour les femmes enceintes, arrêter de fumer est un enjeu majeur de santé. Pour ces femmes, le métabolisme accéléré de la nicotine, la pression sociale et l’urgence de l’arrêt augmentent la difficulté. Si l’utilisation de substituts nicotiniques peut être recommandé pour celles qui ne peuvent arrêter de fumer seules, selon bon nombre d’experts, la cigarette électronique peut aussi être une méthode envisageable pour réduire les risques. Les données et la recherche actuelle sont la base de l’analyse des professionnels de santé pour élaborer leurs recommandations en matière de sevrage tabagique pendant la grossesse. Alors voilà ce que disent les études scientifiques et les experts à ce sujet.
Les données actuelles au sujet du tabagisme pendant la grossesse
Selon les données de Santé Publique France, la prévalence du tabagisme avant la grossesse en France est d’environ 30 %. Le taux de tabagisme est de 20 à 24 % au premier trimestre de la grossesse et diminue de 14 à 20 % au troisième trimestre. Plus de la moitié des femmes qui fumaient avant d’être enceintes réussissent à cesser de fumer pendant leur grossesse. Le tabagisme pendant la grossesse est fortement lié à un faible poids à la naissance, à un risque doublé de fausse couche, à une augmentation d’environ 25 % du risque de naissance prématurée et à un risque de mort subite du nourrisson. Ainsi, pour les 54,2% de fumeuses enceintes en France, la question des aides pour l’arrêt du tabagisme est un enjeu majeur.
Les experts disent que l’arrêt précoce du tabagisme pendant la grossesse peut prévenir une grande partie des risques
L’estime de soi des femmes enceintes qui fument s’altère parce qu’elles sont généralement conscientes des risques avérés du tabagisme et soumises à une forte pression sociale, notamment de l’entourage. Ce sentiment de culpabilité peut amener certaines d’entre elles à fumer en secret. L’arrêt du tabac affecte particulièrement les femmes enceintes. Elle n’a pas le choix de la meilleure date. La pression sociale et cette contrainte temporelle ajoutent du stress. C’est pourquoi de nombreuses femmes se tournent vers des substituts pendant la grossesse. Cependant, il est communément admis que l’arrêt précoce du tabagisme pendant la grossesse peut réduire considérablement les risques associés et il reste la meilleure solution.
Un fort taux d’échec chez les femmes enceintes qui veulent arrêter sans aide
Si l’annonce de la grossesse est un puissant moteur pour arrêter le tabagisme, cela nécessite une énergie difficile à mobiliser pour d’autres. Les fumeuses enceintes en France préfèrent l’arrêt franc sans aide. Pourtant, le taux d’échec sans aucune aide est très élevé, avec plus de 95 % de rechutes dans les 6 mois. Selon les professionnels de santé, les aides psychologiques et comportementales sont utiles. Le soutien des prestataires de soins est crucial dans l’arrêt du tabagisme des femmes enceintes. Une substitution nicotinique ou la prise d’une alternative nicotinée peut par ailleurs être combinée avec des techniques cognitivo-comportementales et psychosociales.
Les alternatives nicotinées et substituts nicotiniques recommandés par les professionnels de santé
Les substituts nicotiniques (TSN) sont recommandés comme aide à l’arrêt tabagique aux femmes enceintes qui fument. En France, ils sont remboursés par l’assurance maladie. Selon la Haute Autorité de Santé, il est conseillé d’informer les femmes que l’utilisation médicalisée des substituts nicotiniques pendant la grossesse est moins préjudiciable que de continuer à fumer. Les TNS, ou toutes autres alternatives nicotinées sans tabac aident à éviter le phénomène de compensation et augmentent les chances d’arrêt. La nicotine est l’un des alcaloïdes présents dans le tabac. Elle est considérée comme la principale substance psychoactive que les femmes fumeuses enceintes recherchent.
Le métabolisme de la nicotine est considérablement augmenté chez les femmes enceintes, ce qui, selon les scientifiques, peut accentuer la sensation de manque en cas de sevrage. Selon l’évaluation de la Royal Society of Public Health, la nicotine a un profil toxicologique similaire à celui de la caféine. La prescription de substituts nicotiniques chez les femmes fumeuses enceintes est donc autorisée et recommandée lorsque cela est nécessaire.
La cigarette électronique pendant la grossesse, que disent les recherches ?
Selon les informations actuelles, les cigarettes électroniques, tout comme les autres produits nicotinés, offrent un apport efficace de nicotine sans exposer l’utilisateur aux nombreuses substances chimiques nocives du tabac à fumer. Le vapotage, y compris pour les femmes enceintes, réduit considérablement les toxiques résiduels et élimine complètement la plupart des milliers de toxiques de la fumée des cigarettes, notamment le monoxyde carbone et les goudrons. Sur la base de leur revue d’études scientifiques, les organisations de santé britanniques, y compris le Royal College of Physicians et Public Health England, ont estimé que vapoter réduit d’au moins 95 % les risques par rapport au fait de fumer des cigarettes.
Le Stop Smoking Service de Leicester (UK) a lancé une étude en 2016 sur 228 femmes enceintes, dont une partie utilisait la cigarette électronique en remplacement de la cigarette traditionnelle. 85 femmes enceintes ont utilisé le vapotage, accompagné ou non de substituts nicotiniques. Les autres utilisaient uniquement des TNS. Le taux de réussite d’arrêt du tabac était de 60% chez les utilisatrices de cigarettes électroniques. En comparaison, le taux de réussite a été de 32% chez les femmes enceintes utilisant uniquement les TNS. Ce résultat ne constitue pas une preuve scientifique que le vapotage est plus efficace pour arrêter de fumer, mais cela atteste que le vapotage peut être une aide efficace.
Une équipe de l’hôpital Coombe de Dublin a monitoré les femmes enceintes en 2018 et en 2019 pour évaluer la santé des bébés nés de femmes non fumeuses en comparaison avec la santé des bébés nés de femmes vapoteuses. Tout d’abord, aucun cas de syndrome de détresse respiratoire néonatale n’a été signalé. Ensuite, l’étude n’a pas montré de différences de poids à la naissance entre les nourrissons des femmes utilisatrices de cigarettes électroniques et les bébés des non-fumeuses.
Des sages-femmes soutiennent l’utilisation de la cigarette électronique pendant la grossesse
En mai 2019, le Collège Royal des sages-femmes britanniques a exprimé son soutien à la cessation du tabagisme pendant la grossesse grâce à la cigarette électronique. Voici les propos rapportés : “Le vapotage contient des toxines, mais à des niveaux beaucoup moins élevés que la fumée de tabac. Une femme enceinte fumeuse devrait être soutenue dans sa démarche si elle décide d’utiliser le vapotage pour arrêter de fumer et rester non-fumeuse.”
Selon une autre étude, certaines femmes qui ont arrêté de fumer pendant leur grossesse et qui avaient l’intention de recommencer après l’accouchement ont utilisé le vapotage pour éviter de recommencer.
Prise en charge du sevrage tabagique des femmes enceintes en France et vapotage
La prise en charge du sevrage tabagique des femmes enceintes a récemment fait l’objet d’un avis du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens français (CGNOF) et de la Société Francophone de Tabacologie (SFT). Déconseiller l’utilisation du vapotage aux femmes enceintes désireuses d’arrêter de fumer leur fait courir un risque de retour au tabagisme.
La cigarette électronique pour éviter un retour au tabagisme pendant ou après la grossesse
Une médecin et tabacologue, à l’hôpital Antoine Béclère de Clamart (APHP), en charge d’une consultation spécifique pour le sevrage tabagique des femmes enceintes, recommande la vape à ses patientes. Elle raconte, “Combien de femmes enceintes sont venues, ces derniers temps, à ma consultation d’aide à l’arrêt du tabac, en ayant repris le tabac, alors qu’elles avaient brillamment arrêté de fumer avec la vape ? Mais leur gynécologue leur avait déconseillé la poursuite de celle-ci pendant leur grossesse… La reprise du tabac est alors très rapide.”. Pour la tabacologue, une question demeure : comment peut-on conseiller aux femmes enceintes d’arrêter une alternative 95% moins dangereuse que le tabac.
Sources :
« Grossesse et vape : le vapotage pour les femmes enceintes, études et avis » https://www.sovape.fr/vape-grossesse/
Using e-cigarettes before, during and after pregnancy https://smokefreeaction.org.uk/smokefree-nhs/smoking-in-pregnancy-challenge-group/smoking-in-pregnancy-challenge-group-resources/e-cigarettes-in-pregnancy/
https://smokefreeaction.org.uk/wp-content/uploads/2019/09/ASH-ecig-infographic-A5_v6.pdf
L’utilisation de la cigarette électronique pendant la grossesse https://www.stop-dependance.ch/tabac/pdf/eCigSIPF.pdf
https://www.rcm.org.uk/media/3394/support-to-quit-smoking-in-pregnancy.pdf
Vaping in England: an evidence update including mental health and pregnancy, March 2020 A report commissioned by Public Health England, https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/869401/Vaping_in_England_evidence_update_March_2020.pdf
Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) et la Société francophone de tabacologie (SFT), Prise en charge du tabagisme en cours de grossesse. Janvier 2020.http://www.cngof.fr/component/rsfiles/apercu?path=Clinique/RPC/RPC%20COLLEGE/2020/RPC-CNGOF-tabagisme-grossesse.pdf
Smoking during pregnancy, stigma and secrets: Visual methods exploration in the UK – Aimee Grant, Melanie Morgan, Dunla Gallagher, Dawn Mannay. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1871519218306085
Vaping in England: an evidence update including mental health and pregnancy, March 2020 A report commissioned by Public Health England,