Karl Fagerström est un psychologue suédois et un spécialiste de la lutte contre le tabagisme. Il est surtout connu pour ses travaux sur les dépendances, et notamment la dépendance à la nicotine, avec le test de Fagerstrom, un outil d’évaluation de la dépendance physique à la nicotine. Il nous parle de la nécessité de remplacer le tabac par d’autres modes de consommation de la nicotine et nous livre son point de vue sur les différents substituts nicotiniques.
Le traitement de la nicotine dans notre société
Pour Karl Fagerström, la nicotine est un sujet extrêmement controversé. Pour lui, cela est principalement dû au fait que la nicotine est liée à l’industrie du tabac, qui a une très mauvaise réputation, surtout lorsqu’il s’agit de mentir sur ses recherches.
Devant le Congrès américain, sept des plus grands PDG de l’industrie du tabac ont nié que la nicotine créait une dépendance. Par conséquent, aujourd’hui, même si certains se rendent compte que la nicotine n’est pas si nocive que cela, Karl Fagerström souligne qu’elle n’est pas très différente de la caféine et certainement moins nocive que l’alcool, il est très difficile d’être positif à l’égard de ce produit dont l’industrie du tabac tire profit.
L’avis du scientifique à propos des substituts nicotiniques
Le scientifique estime que des études récentes montrent clairement que la nicotine diffère du processus de combustion. En soi, elle n’est pas dangereuse et l’industrie du tabac l’a bien compris. Elle cherche maintenant à développer des produits sans combustion, comme des cigarettes qui chauffent le tabac mais ne le brûlent pas.
Karl Fagerström explique qu’aux États-Unis, la FDA, la Food and Drug Administration, est compétente en matière de tabac. Tout nouveau produit contenant du tabac ou de la nicotine doit donc être approuvé par la FDA. Ainsi, la FDA a approuvé cette nouvelle série de produits en affirmant qu’ils sont moins nocifs que les cigarettes traditionnelles. Parmi eux : la cigarette électronique, qui réduit nettement l’exposition aux toxines, et le snus suédois, qui est le premier produit auquel la FDA a accordé plusieurs licences, le considérant comme le moins dangereux.
Le sachet de nicotine sans tabac, différent du snus, est le produit le plus récent. La FDA considère qu’il est probablement le moins nocif, mais pas le moins dangereux, car elle ne dispose pas encore de l’expérience nécessaire.
Karl Fagerström a participé au développement des sachets de nicotine
Karl Fagerström, qui a participé au développement de ces sachets de nicotine, explique qu’ils sont similaires au snus suédois, sauf qu’ils ne contiennent pas de tabac. À l’intérieur des sachets se trouve de la nicotine de la même pureté que celle que l’on trouve dans les produits médicinaux de remplacement de la nicotine. Toutefois, il ne s’agit pas d’un médicament, mais d’un produit de consommation.
Vape, snus… que penser de ces nouvelles solutions ?
Karl Fagerström estime que ces nouveaux modes de consommation sont de bonnes alternatives. Ayant travaillé avec des toxicomanes, le scientifique sait à quel point il est difficile de lutter contre les drogues, et pas seulement les drogues illicites.
En Scandinavie, et plus particulièrement en Suède, les autorités tentent de mettre en place un système très strict de régulation de l’alcool. Toutefois, cela n’a pas eu d’effet tangible sur la consommation d’alcool. Pour lui, il est d’autant plus difficile d’éradiquer un médicament qu’il n’est pas psychotoxique, qu’il n’endort pas et qu’il n’est pas sédatif.
La seule façon d’y remédier est de trouver une alternative beaucoup moins nocive. Selon lui, les drogues sont liées entre elles. En effet, aux États-Unis, où le cannabis a été légitimé, on a constaté une augmentation de la consommation de cannabis et une diminution de la consommation de tabac. Cela pose la question de l’utilisation du cannabis et du THC dans la lutte contre le tabagisme. Est-ce une bonne solution ? Pour lui, c’est une question complexe. Le scientifique n’est absolument pas favorable à la drogue. Il soutient la vape et les sachets de nicotine, car ils offrent un transfert aux fumeurs qui ne peuvent ou ne veulent pas arrêter de fumer. Ce sont des produits moins nocifs pour le contrôle de la consommation.
La vape est-elle l’alternative idéale à la cigarette ?
Karl Fagerström estime que nous en savons encore trop peu sur la vape. Selon lui, la nicotine n’est pas le problème des e-cigarettes. C’est le dispositif lui-même qui peut contenir des métaux, voire des métaux lourds. Ceux-ci peuvent potentiellement être inhalés. C’est là que réside le véritable danger.
Il reste également sceptique quant aux arômes, car il s’agit d’un marché très libre à bien des égards, et les arômes utilisés ne sont pas toujours généralement reconnus comme sûrs. Il s’agit là d’une source potentielle de dommages qu’il ne faut pas sous-estimer.
Karl Fagerström est sceptique quant à la question de la nicotine en Europe. Certains pays, comme la Belgique et les Pays-Bas, interdisent les sachets de nicotine et, en Allemagne, ils ne peuvent pas être commercialisés alors que la légalisation du cannabis e s t en cours. Pour lui, il faut aller dans la direction opposée. C’est à dire, légaliser les produits à base de nicotine plutôt que le cannabis.
Certaines personnes ont besoin de drogues comme le cannabis, comme des médicaments, pour vivre un peu mieux. Mais c’est aussi le cas d’autres drogues plus faibles, comme la nicotine. Elle peut vraiment aider les gens à se sentir mieux et à gérer leur vie. Sans cette nicotine, ils doivent franchir une autre étape et se tourner éventuellement vers le cannabis, par exemple. C’est un autre niveau, car il y a alors une véritable toxicité psychique et de nombreux effets sur la santé.