Le tabac tue plus de 8 millions de personnes chaque année dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Derrière ce chiffre, un constat préoccupant : de nombreux fumeurs réguliers ont commencé avant leur majorité. Face à cela, les autorités de santé publique du monde entier s’accordent sur un objectif commun : empêcher l’initiation au tabac et à la nicotine avant 18 ans. Car plus une personne commence jeune, plus elle risque de devenir dépendante, avec des conséquences irréversibles sur sa santé physique, mentale et sociale.
Un cadre international : la Convention-cadre de l’OMS
La lutte contre le tabagisme des mineurs s’inscrit dans une dynamique internationale. La Convention-cadre pour la lutte antitabac de l’OMS, adoptée en 2003, est le premier traité mondial de santé publique. Ratifiée par 182 parties (dont l’Union européenne et ses États membres), elle recommande notamment d’interdire la vente de produits du tabac aux mineurs, d’en réguler la publicité et de renforcer l’étiquetage des paquets.
Ce traité engage les États signataires à adopter des mesures législatives concrètes, notamment pour fixer un âge minimum légal d’achat de tabac et de produits à base de nicotine, dont les cigarettes électroniques. Mais les modalités d’application varient sensiblement d’un pays à l’autre.
Des approches variées en Europe : entre harmonisation et disparités
Dans la majorité des pays de l’Union européenne l’âge légal pour acheter du tabac est fixé à 18 ans. Cette harmonisation est notamment soutenue par la directive européenne 2014/40/UE, qui encadre la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac et des cigarettes électroniques. Pourtant, certains pays vont plus loin, tandis que d’autres peinent à faire respecter cette limite.
L’Islande, pionnière et intransigeante
En Islande, l’interdiction de vente de tabac aux moins de 18 ans est en vigueur depuis 2002, mais ce n’est qu’un début. Le pays a mis en place un système de licences strictes pour les vendeurs, associé à des inspections régulières et des sanctions sévères. L’Islande interdit aussi toute publicité pour les produits du tabac, même indirecte, et exige un emballage neutre depuis 2020.
Surtout, le pays a misé sur l’éducation : des campagnes ciblées dans les écoles et sur les réseaux sociaux ont permis de faire reculer le tabagisme chez les adolescents de manière spectaculaire. En 1998, 23 % des jeunes de 15-16 ans fumaient quotidiennement. En 2022, ils étaient moins de 2 %.
Les Pays-Bas, un durcissement progressif
Les Pays-Bas ont également fixé à 18 ans l’âge légal d’achat du tabac et des e-cigarettes. Depuis 2020, le gouvernement néerlandais a interdit la vente de cigarettes dans les supermarchés en ligne et prévoit de les retirer totalement des supermarchés physiques d’ici 2030. Les contrôles de l’autorité de sécurité sont fréquents, notamment via des achats-tests réalisés par des jeunes majeurs ayant l’apparence de mineurs.
Par ailleurs, les Pays-Bas augmentent régulièrement les taxes sur le tabac, avec pour objectif d’atteindre un prix de 12 € par paquet d’ici 2026, un frein puissant pour les jeunes consommateurs.
La France, entre réglementation et défis d’application
En France, la vente de tabac et de produits de vapotage est interdite aux moins de 18 ans depuis 2009 (pour le tabac) et 2014 (pour les e-cigarettes). Les buralistes doivent exiger une pièce d’identité en cas de doute, mais dans les faits, le contrôle reste inégal. Pour renforcer la politique de prévention, le gouvernement a lancé en 2023 une campagne « Génération sans tabac », visant à réduire le taux de fumeurs parmi les 17-24 ans. Elle s’appuie sur trois piliers : interdiction de fumer dans davantage de lieux publics, hausse du prix du paquet, et éducation renforcée dès le collège.
Malgré ces efforts, le vapotage chez les adolescents progresse, notamment via les puffs, ces cigarettes électroniques jetables très prisées. Le gouvernement français a annoncé leur interdiction à partir de 2025.
Des moyens concrets pour faire respecter l’interdiction
L’interdiction légale n’a d’effet que si elle est appliquée. Les pays qui réussissent à protéger leurs jeunes combinent plusieurs outils :
- Contrôles aléatoires des points de vente (comme en Finlande ou en Allemagne), avec des sanctions immédiates en cas de non-respect.
- Campagnes de sensibilisation dans les écoles, souvent accompagnées d’interventions d’anciens fumeurs ou de professionnels de santé.
- Interdiction de la publicité, y compris sur internet et les réseaux sociaux.
- Paquets neutres et photos-chocs sur les emballages.
- Taxation dissuasive, frein majeur pour les jeunes au budget limité.
- Encadrement des produits alternatifs, comme les cigarettes électroniques ou les sachets de nicotine.
Si l’interdiction de vente avant 18 ans est désormais une norme dans la plupart des pays européens, les défis restent nombreux : achat par des tiers adultes, vente illégale en ligne, contournement via les produits de vapotage, etc.
Dire non au tabac et à la nicotine avant 18 ans, ce n’est pas seulement interdire une vente. C’est protéger une génération, en agissant sur les leviers réglementaires, éducatifs, sociaux et économiques. L’Europe avance, mais la vigilance reste de mise.
Sources :
https://www.emro.who.int/fr/tobacco/fctc/convention-cadre-oms-lutte-antitabac.html





